
Quatre articles de Presse, ci-dessous
(merci Claude Fèvre, François Bellart, Michel Kemper et Frédéric Marty)
Festival Dimey 2015 : Louis-Noël Bobey, stupéfiant jongleur de mots et de notes
par Bellart François le 10 mai 2015.
En scène, Festivals
A la différence des organisateurs qui pestent contre ces dates ahurissantes de vacances de printemps, j’en suis ravi : elles m’ont permis de faire la connaissance de Louis-Noël Bobey, la plus belle surprise de ce festival!
Il avait été contacté au départ pour animer des ateliers d’écriture avec les scolaires… mais en période de congés… Alors on lui a programmé un créneau le 8 mai après-midi, dans la salle du bar, et, avec sa douce voix et sa guitare sèche, sans micro, il a crânement relevé le défi au milieu des passages et des bruits de conversation venant du corridor.
Car il sait y faire : le format du chant’appart ou la petite salle lui conviennent à merveille, il sait mener un public même réactif sur les chemins où il a envie de l’emmener au gré des fantaisies de son inspiration, et de son inépuisable réserve… Des chansons et des textes, il en a un joli stock, et il en invente tous les jours de nouveaux qu’il met à l’épreuve des spectateurs.
Son charme, son charisme et ses talents multiformes sont tels qu’il suscite immédiatement une solide empathie de la part d’un public bluffé et enchanté de l’être.
Voyageur infatigable, il arpente les territoires : la Bresse et son menuisier, Marseille et ses quartiers chauds, le Jura et la gare de Lons-le-Saulnier envahie par une jungle surréaliste, le Québec et ses habitants d’origines diverses ou l’Allemagne de Wim Wenders. Il nous fait partager ses rencontres avec des filles du Canal Saint-Martin, d’autres de Berlin, un jeune marseillais victime d’une balle perdue, des gens du voyage et son émouvante grand’mère Marguerite qui perd progressivement ses repères. Il se situe au confluent de plusieurs cultures et de plusieurs langages parlés.
Enfin, il recourt à différents genres : les chansons et leurs musiques, le slam avec l’éventuel accompagnement de guitare, le texte déclamé où les allitérations et les chocs de mots sont tirés jusqu’à entrer dans le sens du propos.
On émerge ébloui d’une telle production, d’une telle variété, d’une telle capacité de faire chanter les rapprochements homonymes, au profit d’idées généreuses toujours nettement sous-jacentes, ou au bénéfice d’une émotion forte qui touche chacun dans la profondeur de ses sentiments. Louis-Noël Bobey est un extra-terrestre des mots et des notes avec lequel il faut faire connaissance toutes affaires cessantes.
Mars 2015: ("Chez ta mère" à Toulouse):
LOuis-Noël Bobey: Rim'ailleurs
par Claude Fèvre ("Nos Enchanteurs")
Le lieu Chanson toulousain – celui qui grimpe, qui grimpe… – ne pouvait bien longtemps ignorer ce petit gars venu du Jura, mais plus sûrement tombé, sans crier gare, d’une autre galaxie.
Bien entendu, on lui trouve aisément des grands frères ou des copains en la matière, un Jérôme Pinel, celui de Strange Enquête, un Lantoine, un Couté pour le patois, savoureuse langue de chez nous, d’où que nous soyons dans notre hexagone, et de bien plus loin puisqu’il nous fait faire aussi un détour par Montréal (il arbore un tee-shirt estampillé Québec) !
Un Nougaro tiens ! Mais oui, mais c’est bien sûr… Cette façon de tricoter les rimes, les assonances, de jongler avec les mots pour s’en faire des colliers, cet art de la scansion, de la rythmique, cet art de la parole qui pourrait lui avoir fait écrire : « Je tricote à la laine des vers des chandails/ Pour vous, mes nigauds (l’Ivre d’images) ». Oui, pour nous, spectateurs ! Car ce Louis-Noël n’est pas vraiment « en scène », il ne sait pas vraiment faire avec micro, branchement, éclairages…Tout ça c’est pour vous faire oublier l’essentiel : la rencontre, le partage, yeux dans les yeux.
Alors il descend de scène, vient au bord, tout près, dès qu’il s’agit de slamer ses textes, en rafale de mots, d’émotions. D’ailleurs on aimerait lui suggérer de nous vendre à la sortie un petit carnet avec ses textes, même si l’on sait bien que c’est offense à l’histoire du slam qui n’édite pas, qui se veut seulement dans l’oralité. N’empêche, on aimerait relire ce qui nous a fait frissonner.
Bobey est en prise direct avec chacun de nous, il nous flaire, nous respire, attentif à tout, à tous dans la salle. Il exprime à la seconde ce que nous lui renvoyons : parole, geste, sourire. Et c’est avec cette proximité dont il nous amuse, avec l’envol de ses remarques spontanées, qu’il nous emmène d’abord dans son Jura originel. Ce pays où l’on roule les « R » faute d’avoir « de quoi rouler des mécaniques », dans la « plastics vallée » autour d’Oyonnax l’industrieuse, près de sa grand-mère. Il nous débarque ensuite à Paris, sur les bords du Canal Saint-Martin, à la terrasse du café Prune où il mastique un p’tit poème, puis avec son « accent mal dégrossi », dealer de rimes, à Marseille.
Son quartier, les Micocouliers, c’était « un peu le far-West, un peu chaud » ; il en garde un amour pour cette ville « j’ai passé des années à t’aimer », une chanson nourrie d’images, de couleurs et d’odeurs, dans le bus qui descend de son quartier, une chanson aussi où résonnent les mots d’un jeune tué dans un règlement de compte : solitude, exclusion, révolte « suis-je pire que la députée de mon quartier ? ».
Bobey est de ceux qui chantent pour les exclus, les sans grades, Zina l’ouvrière d’usine usée à la tâche, prostituée, gitan, indien…
En quittant « Chez ta mère » le quartier « chaud » Arnaud Bernard – mais n’ayez crainte Saint-Sernin veille pas loin ! – où se côtoyaient CRS en mal d’arrestations et une jeunesse bruyante aux terrasses, on se disait que Louis-Noël Bobey avait eu bien raison de venir dans la ville rose… C’était avant de retrouver un atelier d’écriture et une soirée dans la haute vallée de l’Aude, à mille lieux de cette agitation de fin de semaine, toujours en quête d’authenticité.
Prémilhat 2014 : Bobey, le voir pour bien le croire
Ajouté par Michel Kemper le 26 octobre 2014
Sacré bonhomme, drôle de loustic. Il y a peu encore on le connaissait sous le nom de Titiboulibi, à la croisée presque de tas de personnages de bandes dessinées : Tintin, Pirlouit, Bill. Et Boule aussi. Pour la suite de ses aventures, de ses scènes, il vient de recouvrer son nom, son vrai : Louis-Noël Bobey.
Ça fait plus sérieux mais, quitte à faire, vas-y Bobey !
Ce lutin, ce farfadet est chanteur, un peu. Raconteur, aussi. Et slameur, pour le dernier tiers. Un peu de tout ça. Il est aussi pour moitié marseillais et son slam vient beaucoup de là. Pour l’autre jurassien, son bon sens paysan, sa poésie à la Pagnol puise de ce côté : du côté de Saint-Claude, les dés sont toujours pipés. Ah ! il vit aussi dans un poulailler, en Bresse.
Bobey donc, son blaze, son blason, son Louison. Qui d’emblée vous raconte des tas de trucs, en patois. Du conté aux odeurs de comté, un peu Couté, celui qui écrivait : « Le joli patois de chez nous est très doux / Et mon oreille aime à l’entendre… » Bon, lui fait plus précisément dans la Bresse. Une histoire drôle d’abord, avec traduction, merci. Puis un petit tout vers la ville rose pour aller voir Cécile, la fille de qui vous savez. Et ça, en patois… joli !
Ça et des tas de choses : il mastique ses p’tits poèmes et lit dans les entrailles du poulet de Bresse « avec deux doigts dessous la graisse. » Puis nous émotionne grave de chez grave, avec sa grand-mère, qui vient tout juste de quitter ce monde ingrat : « Dehors l’est un p’tit monde / Qui vient déjà plus l’sien. »
Y’a du Couté, un peu chez lui. Et pis un peu de Loïc Lantoine, dans son parlé, son slamé, sa poésie, sa naïveté.
C’est dire que quand il évoque ses années marseillaises, ça tranche. Autre cadre, autre paysage. Cités de béton et système survie dans cette jungle urbaine. Cette ville il l’a aimée et tente de la retrouver. Mais là, c’est comme si on avait changé de chanteur. C’est plus le même, mais ça l’est quand même. L’inspiration est pas pareille, les propos sont plus rudes, même son phrasé fraye avec la violence des lieux : « J’suis pas un ange et j’assume mon casier / Mais suis-je plus truand que Madame la députée ? »
Drôle de bonhomme ce Titib… ce Louison, ce Bobey. Plusieurs types en un, plusieurs arts aussi. Ça manque peu être d’ordonnancement, de tri. Mais y’a du bon, là-dedans, oh oui. Un sacré bonhomme qui vous fout la banane, qui vous scotche, vous séduit… C’est du presque tout bon. Faut le voir pour le croire.
L'enfance de l'art
Par Frédéric MARTY ("Rue du Théâtre")
Publié le 26 juillet 2013
Attention artiste atypique. Et pourtant spectacle universel. N'importe quand et n'importe où que se pose un homme sensible et généreux, prêt à livrer une part de son cœur, une part de sa quête et les quelques réponses, éphémères, fragiles et dérisoires qu'il aura trouvées, il rencontrera des gens pour l'écouter et lui dire vers où aller pour que d'autres l'entendent à leur tour.
Louis-Noël Bobey et son spectacle se confondent. L'un n'étant qu'un alter ego de l'autre... Ou plutôt, car il n'est pas dans l'ego et n'est pas différent sur scène et en dehors, ce ne sont que deux noms d'une même personne, d'un même quelqu'un.
D'ailleurs comme dans les textes de Prévert ou le tableau de Magritte, ce spectacle n'est pas un spectacle : il n'y a quasiment pas de mise en scène ; il est assis sur une banquette de piano, sa guitare à gauche, son porte-harmonica à droite, posé à même le sol quand il ne s'en sert pas. L'éclairage est un peu faible et son entrée n'est pas théâtralisée le moins du monde.
Il commence par une histoire, très courte, une blague pour ainsi dire, dite en patois bressan. De là il rebondit et se raconte dans sa quête, dans ses voyages (Marseille, Québec, Guadeloupe, Bretagne) ses incursions poétiques dans d'autres univers, parfois picturaux (Chagall notamment). Il cherche par chez lui des poètes et n'en ayant trouvé, traduit Cécile, ma fille de Claude Nougaro. Une manière comme une autre... non, il n'est pas maniéré et tourne des phrases rondes et utiles comme un potier ses pots. Une façon comme une autre de dire la double filiation, de poser et d'unir sa langue terrestre, peut-être plus ancestrale que maternelle et sa langue poétique...
Les évènements extérieurs ne trouvent aucun écho de stress en lui. Un téléphone qui sonne et reste introuvable, un flash qui crépite, quelqu'un qui rentre avec un retard énorme, rien ne vient le troubler ; il n'est pas interrompu en train de dérouler le fil d'un spectacle, il vit dans l'instant et reste donc ouvert à tout et à tous... Il est dans ses mots, il est dans ces notes, Petit Poucet chaussant ses bottes de "c'est mieux", pas tape à l’œil mais tape au cœur.
Il alterne les textes où se bousculent, s'enjambent et se rejettent sons et sens avec des chansons (Mon pieu, Belle à croquer, Marseille...) qui disent ses voyages, ses rencontres, son arbre généalogique, de façons parfois plus légères, souvent très émouvantes, où les consonnes se font plus discrètes. Sa plume ? "C'est de l'ange vous dis-je".